L’ascension du Mont Blanc (4 810 mètres) peut se faire à ski de rando en hiver ou à pied en été — avec piolet et crampons — par différentes voies plus ou moins difficile. La voie des Trois Monts s’effectue en ski et passe par trois sommets successifs : le Mont Blanc du Tacul, le Mont Maudit et enfin le Mont Blanc. J’ai effectué cette ascension du Mont Blanc par les Trois Monts le 19 mai 2024 dans le cadre d’une sortie du Club Alpin Français de Grenoble encadrée par un encadrant chevronné.
Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando
Samedi 18 mai, nous sommes un groupe de six à emprunter la première benne du matin qui nous achemine sans effort au sommet de l’Aiguille du Midi. La cabine du téléphérique est pleine à craquer, remplie d’alpinistes surexcités avec leurs sacs, leurs skis, leurs baudriers et leurs casques déjà sur la tête. J’aimerais engranger chaque détail de cette aventure, mais je suis un peu stressée par toute cette effervescence et j’essaye surtout de ne pas me prendre un coup de ski.
Au programme de cette journée « d’acclimatation » avant l’ascension du Mont Blanc par les Trois Monts : la traversée de l’arête des Cosmiques. Elle est enneigée, ça facilite la progression. Elle est aussi dissimulée dans les nuages, ça empêche de voir les centaines de mètres de vide qui s’ouvrent de chaque côté. On ne voit pas non plus ce qui nous attend le lendemain, c’est-à-dire le Mont Blanc du Tacul, le Mont Maudit et le Mont Blanc. Ce sera la surprise !
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/uploads/2024/05/20240518_124651-768x1024.jpg)
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/uploads/2024/05/DSC02731-1140x760.jpg)
Après avoir parcouru l’arête, munies* de nos crampons et de notre piolet et encordées deux par deux, nous arrivons vers 16 heures au refuge des Cosmiques, notre camp de base à 3 600 mètres d’altitude. Il est déjà l’heure de prendre l’apéro (des tucs et un chocolat chaud) et de préparer le dîner (nous n’avons pas pris la demi-pension). Au menu, soupe, pâtes sauce tomate et chocolat. À 19 heures, je suis au lit. Le réveil est programmé à 1h45 pour notre ascension du Mont Blanc par les Trois Monts. Je ne me suis jamais levée aussi tôt. Je dors très peu. Mon cœur bat vite et je l’entends pulser fort dans mes oreilles !
Plusieurs réveils sonnent avant que le nôtre ne résonne. Petit-déjeuner feutré dans la salle commune, puis nous nous équipons en compagnie d’une vingtaine d’autres alpinistes. C’est la frénésie générale. On se dépêche, il faut être à l’heure et ne rien oublier : enfiler le baudrier et y accrocher le matériel de sécurité glaciaire (une broche à glace, des nœuds de prusik, une longe hélico – au cas où on tombe dans une crevasse et qu’on en soit hélitreuillé), allumer le DVA (détecteur de victime d’avalanche), mettre son casque, ses chaussures de ski en mode descente, se déshabiller mais pas trop, etc. Toute une routine dont la fluidité ne vient qu’avec la pratique. Eh voilà, j’ai oublié d’allumer mon téléphone — en mode avion — et de le mettre dans ma poche. J’oublie toujours quelque chose.
Dehors, il fait nuit. Nous commençons par descendre du promontoire sur lequel est perché le refuge. Devant, quelques loupiotes sont déjà en pleine ascension du premier mur. Il a beaucoup neigé et nous pataugeons dans la poudreuse. Je remercie intérieurement ceux qui nous font la trace. À ski, l’évolution est facile, mais lorsqu’il faut les troquer contre les crampons et le piolet, ce n’est plus la même chose. Le changement d’équipement est fatigant et la pause induite nous rend sensibles au grand froid. Mes orteils sont gelés, ce qui ne m’arrive d’ordinaire jamais à ski. Mes doigts gèlent et dégèlent régulièrement. Je me dis que la réussite de cette entreprise tient à peu de choses. Le froid me fait peur. En cas de pépin et d’immobilisation forcée, les minutes seraient comptées.
Les heures de montée passent lentement. Les lueurs de l’aube apparaissent tandis que la lune se couche. Les hauts sommets environnant se détachent sur le bleu foncé et les nuances orangées du ciel. C’est extraordinaire, d’être si haut pour accueillir le soleil.
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
Nous voici proches du sommet du Mont Blanc du Tacul – le premier de cette ascension du Mont Blanc par les Trois Monts – nous remettons les skis pour une courte descente qui nous mène au col Maudit. Se dévoile alors le Mont Maudit paré de couleurs sublimes. Je crois n’avoir jamais vu d’aussi belle lumière. Elle porte l’espoir du soleil qui nous réchauffera.
Le deuxième mur n’est pas tracé, personne n’y est encore passé avant nous — nous, c’est une quarantaine de personnes réparties en plusieurs groupes, avec ou sans guide. C’est donc un guide qui se lance avec aisance entre les crevasses et crée des marches dans la neige pulvérulente pour ses clients et tous ceux comme nous qui attendent derrière.
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
Je commence à peiner, mon souffle est court et je suis fatiguée. Je n’ai rien bu depuis que nous avons quitté le refuge peu avant 3 heures. Le tuyau de ma poche à eau est gelé, alors même que j’avais pris soin de le ranger à l’intérieur de mon sac. J’avais sous-estimé le froid. Les marches sont géantes pour moi qui suis petite et mon sac pèse lourd. Nous doublons tout de même quelques personnes encore plus fatiguées sur cette ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando .
Enfin, le Mont Blanc est en vue ! Nous faisons une pause au soleil au col de la Brenva. Je peux enfin faire pipi, boire à même la poche à eau et grignoter un bout de ma barre de céréales maison. J’ai perdu l’appétit avec l’altitude et je me sens faible. Nous nous remettons en route. Je suis toujours encordée à mon compagnon, alors que ce n’est plus très utile — le glacier est bouché. Mais nous avons la flemme de l’enlever, et surtout ce bout de corde verte m’aide à progresser.
Non pas que je me fasse tirer, mais mon compagnon endosse le rôle du lièvre en course à pied et j’adopte son allure. Je n’ai plus à réfléchir, je suis en pilote automatique. Nous cramponnons une dernière fois pour gravir le Mur de la Côte. Je commence à compter mes respirations, pour penser à autre chose qu’à mon extrême fatigue. Je pourrais dormir debout !
![Ascension du Mont Blanc en ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
Nous recroisons un gars qui monte seul — il passait quelques jours en altitude, a vu le créneau météo et s’est dit ‘Tiens, le Mont Blanc, pourquoi pas’ — et nous discutons un peu. Cela me décentre et m’offre un regain d’énergie. Je lève les yeux. Sur les traces en Z, les skieurs avancent au ralenti les uns derrière les autres. Nous sommes désormais à plus de 4 500 mètres d’altitude. Je souffle comme un bœuf.
Mon compagnon de cordée se met en tête de doubler les plus lents, qui font des pauses tous les trois mètres sur la trace et cassent le rythme. Mon cerveau renâcle devant ces accélérations mais, curieusement, mon corps est encore capable de suivre. Tous les deux, nous parvenons au sommet vers onze heures du matin, après cette longue ascension du Mont Blanc par les Trois Monts.
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
La plateforme sommitale est plus petite que ce que j’avais imaginé. D’autres alpinistes montés par la voie « normale » (à ski – celle des Grands Mulets) sont déjà là et se mêlent à notre groupe venu des Cosmiques. Un homme pisse au milieu des gens sans même prendre la peine de se retourner. La pudeur n’existe plus à cette altitude.
Là-haut, on aperçoit les nuages qui planent au-dessus des vallées, quelques sommets lointains à plus de 4 000 mètres qui percent les nuées. La vue n’est pas particulièrement belle, on m’avait prévenue, la perspective est écrasée. Ça y est, je suis sur l’un des sommets du monde après cette ascension du Mont Blanc par les Trois Monts. Je suis dans un état second et surtout inquiète pour la descente. Nous prenons quelques photos, nous enlaçons, nous félicitons et grignotons un peu. Et puis c’est déjà l’heure d’enlever les peaux de phoque, de passer nos chaussures en mode descente et de chausser les skis.
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
Mes cuisses me brûlent dès les premiers virages. Heureusement, la neige est poudreuse, très bonne pour la saison. Au fur et à mesure de la descente, je retrouve mon souffle et l’appétit. Nous progressons à travers le chaos des séracs, évitons les crevasses, slalomons entres les dizaines de traces. J’envie les skieurs au sac léger et aux cuisses endurcies qui descendent à fond dans la poudreuse. Après le Grand et le Petit Plateau qui constituent la voie d’ascension normale à ski, nous abordons la Jonction et son champ de blocs de glace bleutés chapeautés de neige. Nous prenons notre temps, cette ascension du Mont Blanc en ski de rando est si belle.
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
Une longue traversée dans une neige de plus en plus molle nous mène enfin sur la terrasse de l’arrêt intermédiaire du téléphérique : le Plan de l’Aiguille. Ici, des touristes du monde entier prennent des photos, boivent un coup et attendent la benne. Nous posons nos sacs, épuisées mais heureuses.
Il me faudra quelques jours pour me rendre vraiment compte de ce que je viens de faire. L’ascension du Mont Blanc par les Trois Monts, bien que peu difficile techniquement (avec suffisamment d’entraînement), est un rêve que je suis fière et heureuse d’avoir réalisé. Je suis reconnaissante envers cette montagne inhospitalière de nous avoir laissées passer dans de bonnes conditions. Je suis bien sûr reconnaissante aussi envers mon corps de m’avoir aidée à grimper jusqu’au sommet. Et puis envers Gabriel de nous avoir guidées jusque-là et aux quatre autres membres du groupe pour cette aventure partagée.
Le ski de rando et l’alpinisme font la part belle à l’esprit d’équipe et d’entraide. Même si nous sommes souvent seules face à nous-mêmes, à nos difficultés, à notre souffle court, nous restons un groupe et si l’une d’entre nous avait un problème, cela deviendrait le problème de toutes. Alors, on serre les dents, comme l’a dit un guide à ses clients avant la dernière montée, et on y va, pour ne pas laisser tomber ses compagnes de cordée.
![Ascension du Mont Blanc par les Trois Monts à ski de rando](https://www.toporando.fr/wp-content/plugins/wp-fastest-cache-premium/pro/images/blank.gif)
* Je fais le choix d’accorder le pluriel au féminin, car dans notre groupe de six, nous sommes une majorité de femmes.