Nous prenons la route pour cette randonnée-bivouac dans le Vercors en hiver en passant par le col de Grimone, puis le minuscule village de Glandage et les gorges des Gats, dont la beauté ne semble réservée qu’aux automobilistes, cyclistes et grimpeuses, car aucun sentier ne permet de suivre le cours d’eau. Petit arrêt à Châtillon-en-Diois pour un café au chaud. Dans le village, les ruelles sont prises par le froid et attendent que le soleil leur redonne vie. Nous repartons, saluons le Rocher de Combau qui marque l’entrée du vallon éponyme, mais avec un -e (Combeau). Les aléas orthographiques des cartes IGN m’étonneront toujours.
Rando-bivouac dans le Vercors en hiver
Itinéraire et Topoguide

- Date de publication : Mars 2023
- Pages : 232
- Prix : 18,40€
- Durée : 2 jours
- Distance :
- Dénivelé :
Jour 1 – Du parking du Vallon de Combeau au Sommet de la Montagnette, par le Pas de la Coche
Nathan, un ami anglais, et moi, chaussons les raquettes tandis que Gabriel chausse les skis. Il fait moins quelque chose, ça se sent sur le visage. Je garde ma grosse doudoune jusqu’à la délimitation ombre/soleil. De l’autre côté, la température augmente instantanément. La neige est toute fraîche et moelleuse. J’avais oublié combien c’était lourd aux pieds, les raquettes et les chaussures d’alpinisme hivernal, avec en plus le sac de bivouac sur le dos. Heureusement que des gens plus matinaux sont déjà passés par-là pour tasser la neige, et qu’on est loin des deux mètres d’épaisseur !

Nous déjeunons à l’abri de l’Essaure. Dans la neige, de nombreuses traces se mêlent : renard, lièvre, écureuil, chamois et bouquetin. Et là, ces petites pattes très éloignées les unes des autres ? Ce pourrait être une hermine.

Nous montons jusqu’au pas de la Coche et nous mettons en quête d’un endroit plat avec une vue dégagée sur le Mont Aiguille, les Écrins et le Dévoluy. Voilà, ici, ce sera parfait ! Nous posons nos sacs et, avant que le soleil ne bascule derrière les contreforts ouest du Vercors, nous grimpons au Sommet de la Montagnette (alt. 1972). Là-haut, la vue a 360° est superbe, on aperçoit même Grenoble, les Bauges, le Mont Ventoux. C’est la première fois que Nathan se promène dans autant de neige. Pour lui, en Angleterre, la neige était jusque-là réservée aux gens aisés qui pouvaient s’offrir des vacances de ski outre-Manche. Ici, certes, c’est une semaine exceptionnelle (toute cette neige et ce froid qui durent plus d’une matinée), mais il n’y a pas de forfait, de chalet ou d’équipement à louer. La marche en raquettes reste un loisir accessible.

Déjà, la lumière prend un aspect caramélisé. Les journées sont si courtes en cette mi-décembre, mais par beau temps, elles offrent des lumières d’une douceur incomparable. Nous rejoignons notre campement qui vient tout juste de passer à l’ombre. Ça y est, la température chute.

Nous montons un tarp, pour Nathan qui veut essayer, et une tente. Nous avons de la chance, il n’y a pas de vent. Il est 17h30, je prépare du thé, puis entame le lent processus pour faire fondre de la neige. Le gaz est froid et bien qu’il soit qualifié « d’extrême », il faut un quart d’heure pour faire bouillir 700ml d’eau dans le Jetboil. Je tente de réchauffer la bonbonne entre mes mains et mes deux acolytes m’enveloppent dans une couverture de survie pour tenter d’accélérer les choses. Le gaz a vraiment ses limites dans un environnement très froid. Il fait -6°c. Nous dînons de semoule à la marocaine et à l’huile d’olive suivie d’une mousse au chocolat lyophilisée qui s’apparente plutôt, une fois réhydratée, à une crème. Le chocolat nous réconforte tout de même tandis que nous restons debout, à nous faire passer le sachet. Dans la neige, mon petit carré de mousse que j’utilise pour m’asseoir, ne suffit pas à isoler mes fesses du froid. Il en faudrait un trois fois plus épais.

Il est maintenant 19h. J’ai à nouveau fait fondre de la neige pour le thermos. La nuit est tombée et la lune a pris la relève. Il fait très clair, au point que je n’ai pas besoin d’allumer ma lampe pour faire un petit tour. Pas de bruit, et s’il n’y avait toutes ces empreintes dans la neige, je penserais que nous sommes seuls au monde ce soir, sur les Hauts Plateaux du Vercors. Et les loups, alors ? J’aimerais tant les entendre hurler. Par un soir comme celui-ci, où je ne suis pas seule, si possible. Mais ce ne sera pas pour cette fois.

Je n’ai pas envie de rentrer dans la tente. Je suis bien, avec ma doudoune et mon surpantalon. Même mes orteils se sont réchauffés. Je songe à cette idée d’expédition polaire qui me trotte dans la tête depuis cet été. S’il faisait -20°C, comment ce serait par rapport à maintenant ? Est-ce que je pourrais me promener dehors avant d’aller me coucher ? J’imagine que tout dépendrait du vent.
Je m’assure que Nathan va bien, dans son gros duvet sous son petit tarp. C’est une belle première !

Dans la tente, cette nuit, la température est descendue à -7°C. Dehors, peut-être jusqu’à -9°C. J’ai connu deux nuits par -17°C et, dans mon souvenir, ce n’était pas beaucoup plus terrible. Mais cette nuit, mes pieds se sont refroidis et même avec ma doudoune par-dessus le duvet, mes chaussettes en laine et mes chaussons en duvet synthétique, ils n’ont pas réussi à se réchauffer. Mes pieds froids, c’est toujours assez aléatoire. Des fois, il fait 5°C dehors et il me faut des heures pour les réchauffer… La prochaine fois, je prendrai mon deuxième quilt en synthétique donné pour 5°C confort et je le rajouterai par dessus le quilt en plume.
Jour 2 – Du Pas de la Coche au parking du Vallon de Combeau par le Grand Pas
Je me réveille peu avant huit heures. Les lueurs du lever de soleil sont toute douces, presque timides. Il fait à nouveau -6°C. Petit-déjeuner rapide puis nous plions le camp et nous mettons en route en suivant les crêtes de la Montagnette et du Ranconnet. Nous croisons deux skieurs. Ils sont montés par le Grand Pas et vont descendre par le même chemin. Nous avions prévu de descendre par le Pas de la Plane, plus loin vers le sud. Pour éviter d’avoir à remonter la route jusqu’à la voiture, nous emboîtons le pas aux skieurs et dévalons le Grand Pas. Comme il n’y a pas de sous-couche, nous butons sur les pierres qui affleurent sous la poudreuse et dérapons dans la pente assez raide.

Les arbres sont encore recouverts de neige. Plus bas, à un endroit bien précis, le givre de surface est apparu, comme des millions de petites feuilles de givre qui auraient poussé là grâce à l’humidité.
Merci, le froid, pour ces paysages somptueux. Un peu de nostalgie m’envahit lorsque je songe que les hivers froids en France seront désormais de plus en plus rares. Il y a encore cinquante ans, chez moi dans le Trièves, la neige recouvrait le paysage pendant plusieurs mois. Maintenant, je suis heureuse lorsqu’il tombe vingt centimètres et que la neige tient plus d’une matinée. L’année dernière, c’est arrivé deux fois et elle n’a tenu que quelques heures… Bon, raison de plus pour en profiter le plus souvent possible ! Nous regagnons la voiture et traversons la limite soleil/ombre au même endroit que la veille, comme si nous sortions de cet univers magique par un portail immatériel. Retour au monde de la plaine. À quand le prochain bivouac dans la neige ?

Cette aventure est à retrouver en vidéo sur ma chaîne YouTube Eve S. Philomène. Le programme de sorties et treks hivernaux que j’encadre en tant qu’accompagnatrice en montagne est en ligne sur ce site : alizane-montagne.fr.
Préparer son bivouac en hiver dans le Vercors
Planification
- Étudiez la météo : Consultez les prévisions météorologiques avant de partir pour éviter les tempêtes, vents violents ou froids extrêmes.
- Choisissez un emplacement approprié : Préférez un endroit à l’abri du vent (forêt, contre un rocher) et éloigné des zones avalancheuses.
- Cartes et GPS : Prenez une carte du Vercors, une boussole et/ou un GPS. Vérifiez l’état de vos batteries (elles se déchargent vite dans le froid).
Matériel adapté et froid
- Tente hivernale : Utilisez une tente résistante à la neige et au vent, avec une bonne isolation.
- Sac de couchage : Privilégiez un sac de couchage adapté aux températures négatives (indice confort -10 °C ou moins).
- Matelas isolant : Utilisez un matelas avec une haute résistance thermique (indice R élevé) pour éviter la perte de chaleur par le sol.
- Vêtements chauds : Préparez plusieurs couches, incluant des sous-vêtements thermiques, une couche intermédiaire en polaire, et une veste imperméable et coupe-vent.
- Gants, bonnet et chaussettes de rechange : Ces accessoires sont essentiels pour maintenir les extrémités au chaud.
- DVA, pelle et sonde : Si vous êtes en zone fortement enneigée, équipez-vous du matériel de sécurité en cas d’avalanche.
- Téléphone : Emportez une batterie externe ou un chargeur solaire.
Nourriture et hydratation
- Repas riches en calories : Emportez des aliments énergétiques comme des noix, du fromage, des soupes lyophilisées ou des plats faciles à réchauffer.
- Réchaud performant : Préférez un réchaud adapté au froid (cartouche de gaz extrême)
- Eau : Faites fondre de la neige si nécessaire (mais faites-la bouillir pour éliminer les impuretés). En effet, les sources d’eau peuvent être gelées.
Installer son bivouac
- Creusez une plateforme : Si vous êtes sur la neige, creusez une plateforme pour votre tente pour améliorer la stabilité et réduire les courants d’air.
- Évitez l’humidité : Secouez régulièrement vos vêtements et équipements pour éviter qu’ils ne soient mouillés par la neige.
- Chauffez-vous avant de dormir : Mangez un repas chaud, faites des exercices légers pour vous réchauffer avant de vous glisser dans le sac de couchage.
Respect de l’environnement
- Laissez l’endroit propre : Ramenez tous vos déchets avec vous.
- Évitez de couper des branches : Utilisez du matériel de camping pour le feu, si autorisé, ou un réchaud.
- Minimisez votre impact : Respectez la faune et la flore, surtout en hiver lorsque les ressources sont limitées.