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3 jours de randonnée dans le Dévoluy en hiver en bivouac et cabane

Temps de lecture — 4 minutes

Niché au cœur des Hautes-Alpes, le massif du Dévoluy offre un terrain de jeu exceptionnel en hiver. Découvrez l’itinéraire et le récit de ma boucle de 3 jours de randonnée dans le Dévoluy en hiver. Préparez vos raquettes, ajustez vos sacs à dos, et suivez-moi dans cette aventure hivernale inoubliable au cœur du Dévoluy !

Organiser sa randonnée dans le Dévoluy de 3 jours

  • Distance : 43km
  • Dénivelé : 2350m
  • Quand : Toute l’année, mais bien équipé et formé aux risques en hiver
  • Difficulté : Difficile
  • : Massif du Dévoluy

Jour 1 – Randonnée dans le Devoluy en hiver par le GR® 93

Départ de la gare de Lus-la-Croix-Haute

Je me rends à la gare de Grenoble au petit matin. Le projet est de prendre le train pour Lus-la-Croix-Haute avec un sac à dos d’un peu moins de 12kg, 1L d’eau et de la nourriture, frugale, pour 3 jours de randonnée dans le Devoluy. Nous sommes en février, j’emporte ma paire de raquettes à neige, au cas où ! Dans le tortillard qui descend vers le sud, j’emmagasine la chaleur. Affronter l’hiver en allant marcher et dormir dehors demande toujours du courage. Chose étrange, je n’ai pas pris de livre. Pour être sûre de ne pas être distraite de cette aventure ?

Je passe à la boulangerie de Lus, puis au café, histoire de grappiller encore quelques minutes de chaleur. J’ai souvent l’impression d’être décalée lorsque je débarque en ville ou dans un village, seule, avec un gros sac et complètement hors-saison. 

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Sur les traces du loup

C’est l’heure de me mettre en route le long du GR 94, que je suivrai tout au long de la journée. Direction le col des Aiguilles ! Le ciel est couvert et à l’approche du col, l’horizon rétrécit. Je mets mes raquettes, soit 1,6kg dévié de mon dos à mes pieds. J’aimerais tellement pouvoir marcher en sandales dans la neige et m’épargner tout ce poids. Versant est, côté descente, la neige est plus profonde et vierge de toute trace humaine. Les animaux, eux, sont déjà passés par là. Je tombe sur des empreintes de chamois, puis sur celles de loups. Le cœur battant de plus en plus fort, je suis les traces dans la neige fraîche. Oh, du sang ! J’ai l’impression d’être une détective à la recherche de preuves.

Les traces de la meute se suivent. Les plus grosses mesurent environ 10cm par 10cm, la taille de ma paume ! Elles suivent la piste d’un chamois, dont il ne reste rien d’autre que quelques touffes de poils çà et là, un peu de sang et un morceau qui ressemble à du foie (un expert m’explique plus tard que les loups laissent souvent les viscères abdominaux). Non loin de là, une empreinte d’oiseau gigantesque me saute aux yeux. Sans doute celle d’un vautour venu nettoyer les restes. Je reste un long moment dans la neige, à suivre les traces des uns et des autres et à imaginer la course poursuite. 

Puis j’entame la descente et m’arrête plus bas pour déjeuner. La moindre variation de luminosité me fait tourner la tête nerveusement. Maintenant que je ne suis plus dans l’action, j’ai un peu peur. Et je suis tiraillée entre le désir de voir les loups en vrai et la peur que je ressentirais peut-être en me retrouvant seule face à la meute.

J’aborde ensuite un passage délicat en surplomb de falaises abruptes. Me revient à l’esprit la règle numéro 1, celle que mon compagnon ne cesse de répéter lorsque nous sortons en alpinisme : ne pas tomber. Pratiquer l’alpinisme offre une dimension nouvelle à ma pratique de la randonnée. Je suis plus consciente des risques (ce que l’on appelle l’engagement) et mieux à même de les jauger.

Nuit en bivouac dans le Dévoluy au col du Festre

J’approche du col du Festre. Quelques voitures y passent de temps à autre. Me voilà de retour au pays des humains. Je plante ma tarp-tente entre les pins à crochets qui m’abriteront du vent. Il est 17 heures et je suis désœuvrée. Je filme quelques plans pour ma future vidéo, écris quelques lignes dans mon carnet de bord, fais fondre de la neige pour manger mon lyophilisé, observe le ballet des oiseaux qui jouent entre les pins, malgré le froid. Je m’ennuie un peu. Enfin, l’heure est assez avancée pour aller me coucher. Il est 20 heures, il fait nuit depuis quelques heures déjà.

Jour 2 – Randonnée dans le Devoluy en hiver

Le lendemain matin, je m’offre un petit-déjeuner à l’auberge du col du Festre et en profite pour recharger mes batteries malmenées par le froid. S’abriter un moment dans un endroit chaud n’est pas toujours une bonne idée. Cela permet de se reposer vraiment mais la motivation pour repartir est parfois difficile à trouver. J’ai une grosse journée de marche devant moi et le col de Charnier à franchir. Alors, en route ! 

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À l’approche d’un bâtiment agricole, un énorme chien apparaît. Il aboie et fait des bonds dans ma direction en montrant les crocs. Effrayée, je fais demi-tour et entame un détour à travers champs. Le chien fait mine de me suivre avant de me laisser enfin tranquille. Une fois l’adrénaline redescendue, une grande colère s’empare de moi. Qui s’occupe de ce chien mal éduqué et agressif ? Il n’y a même pas de bétail à protéger ! Et s’il m’avait vraiment attaquée ? Je n’aurais rien eu d’autre pour me défendre que mes bâtons ultra-légers en aluminium. La prochaine fois, je ramasse des pierres. Ces pensées remplies de peur me suivent un long moment sur le chemin et me rendent agressive (verbalement) face aux trois chiens que je croise plus tard, cette fois armée d’un bâton en bois. Qu’on me laisse tranquille ! Ce n’est pas des loups qu’on doit avoir peur, mais des chiens de ferme hargneux.

Enfin, l’épisode s’éloigne à mesure que le sentier s’élève en pente douce en direction du col. Le paysage enneigé est intimidant. Un chamois m’observe du haut d’une paroi rocheuse. Le vent souffle de plus en plus fort et le froid devient mordant. Je profite de quelques rayons de soleil fugaces pour grignoter graines et fruits secs. 

J’arrive au col de Charnier, déstabilisée par les rafales de vent. Je progresse rapidement. La descente versant ouest est très raide et bouchée par une congère. Je passe côté falaise, là où la neige a été soufflée et la roche est plus sûre. Je me bats contre le vent. Je dois rester vigilante. Si jamais je me fais mal ici, je risque l’hypothermie et les secours ne viendront pas (si tant est que je puisse les joindre). Mais tout va bien. Je retrouve bientôt le paysage familier du col de la Croix. La neige tombe dru, et recouvre peu à peu les arbres déjà couverts de givre. 

Nuit dans la cabane non gardée du col de la Croix

En contrebas du col de la Croix se trouve le refuge de la Croix – non gardé, accolé à la maison de la bergère (privée et fermée en hiver). J’ai fêté mon anniversaire par deux fois dans cette cabane. J’ôte mes raquettes et entre. Des affaires sont éparpillées sur la table et le canapé.

– Bonjour !

Du bruit dans la mezzanine et une tête endormie apparaît. Un couple de jeunes Allemands en itinérance dévoluarde se sont installés ici pour la nuit. Nous partons ramasser du bois mort avant qu’il ne soit complètement recouvert de neige. Le couple entreprend ensuite de démonter le tuyau du poêle pour le ramoner. Je les filme, ça les fait beaucoup rire.

La neige tombe et s’amoncelle en silence. Je mange le peu de nourriture qu’il me reste. Je n’avais pas prévu de dormir ici, mais la chaleur du poêle est bienvenue et les murs aussi, qui me protègent du vent et de la neige.

Jour 3 – Randonnée dans le Devoluy en hiver par le GR® 94

Vingt centimètres de neige fraîche sont tombés pendant la nuit. C’est parfait pour mes raquettes. Je repars, cette fois en direction de Lus-la-Croix-Haute. Je passe par la Montagne de paille et le col de Jajène. Le vent glacial me fait mal au visage et j’ai du mal à parler à ma caméra. Au loin, une traînée sombre entaille l’alpage. Mon cerveau n’arrive pas à comprendre. Une langue de forêt sur ces prairies dénudées ? Non, une barrière rocheuse ! J’ai l’impression d’être entrée dans un paysage de roman fantastique. 

Dans une combe moelleuse, je rencontre une harde de chamois. Ils s’éloignent rapidement, comme à leur habitude. 

Quelques heures plus tard, je retrouve la chaleur du train qui me ramène à Grenoble, fatiguée par cette aventure, mais heureuse d’être sortie de chez moi.

  • Eve S. Philomène

    Je suis Eve, j’ai 27 ans et mon amour de la montagne remonte à mes premières années. Pourtant, il m’a fallu de nombreuses années d’études, puis un grand voyage et de nombreuses heures de marche et de bivouac pour que me vienne un jour l’idée de faire de cette passion mon métier. Enfin, l’un de mes métiers ! Car je suis aussi écrivaine (l’un de mes romans sera publié au printemps aux éditions Le Ver à Soie !) et vidéaste (je partage sur ma chaîne YouTube mes aventures à pieds, à vélo ou encore en alpinisme, dans les Alpes mais aussi partout en France et à l’étranger). À la bonne saison, vous me croiserez souvent en sandales, pour marcher ou courir au plus près de la mère Terre. En hiver, vous m’entendrez plus souvent me plaindre du poids de mes chaussures de ski de rando ou d’alpi ! En toute saison, je cultive l’émerveillement pour ce que nous offre la nature, de la petite fleur de montagne auto-suffisante aux crevasses inquiétantes des glaciers en passant par le vol d’un gypaète barbu. À bientôt sur les sentiers !

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